~ Un autre amour, Kate O'Riordan
Que s'est-il passé à Rome ? Connie rentre seule de son week-end touristique avec Matt. Elle redoute les questions de leurs trois fils et la perspicacité de sa grande amie Mary. Il va lui falloir également expliquer l'absence prolongée de son mari dentiste au cabinet. Par égard pour ses proches et pour son époux, mais aussi pour se persuader elle-même que rien n'a changé, Connie va se faire un devoir de continuer comme avant, quitte à s'enferrer dans ses mensonges...
Kate O'Riordan dissèque la crise d'un couple et les tourments d'une femme, quand surgit une ex du mari après vingt ans de mariage. On retrouve des thèmes déjà présents dans Le garçon dans la lune : grave crise conjugale, disparition d'un enfant, deuil... C'est minutieux, lent, l'écriture est tour à tour délicieuse et fastidieuse, tant l'auteur s'attarde sur des détails et s'attache aux sentiments des protagonistes. J'ai beaucoup pensé à Alison Lurie pour le style savoureux et la subtilité. Kate O'Riordan dépeint parfaitement les atermoiements de ce père de famille qui doit choisir entre deux femmes aimées, l'effondrement de l'épouse délaissée, l'incompréhension des enfants, les retrouvailles difficiles et tristes, empreintes de culpabilité d'un côté, de rancoeur de l'autre... Un roman bouleversant, pertinent et sensible, sur la crise de la quarantaine, l'adultère et la persistance d'un amour de jeunesse. Je déplore seulement que le récit n'acquière vraiment sa puissance que dans le dernier tiers de l'ouvrage.
PS : je trouve la photo de couverture abominable. La fillette semble avoir une dizaine d'années et est outrageusement maquillée. Est-elle censée représenter Connie enfant qui assistait aux amours de Matt et Greta ?
Extraits :
"Le nuage noir planait entre eux à tous les repas, à chaque échange de paroles dans la maison ; ils voulaient que tout soit comme avant, le bon comme le mauvais, et l'effort les épuisait. Les rares fois où ils faisaient l'amour revêtaient un parfum de désespoir qu'ils n'avaient jamais connu ; chacun voulait à tout prix faire plaisir à l'autre, ce qui se terminait par une sorte de tragédie de la corde raide. C'était bien. Non, tu as été bien. Il leur manquait la langueur de l'habitude, l'utilisation désinvolte du corps de l'autre qui augmente avec les années. Une version de Matt était rentrée et ce n'était pas celle qui était partie." (p. 184-185)
"(...) dans son innocence, dans sa stupidité aveugle, elle croyait que le temps était tout ce qu'il leur fallait. Du temps pour refermer les blessures, pour se ressaisir, on s'époussette un peu, on met un peu d'ordre et on repart. C'était loin d'être aussi simple. Il n'y avait pas que la trahison de la chair, un corps choisi à la place d'un autre, ce qui en soi était déjà très douloureux, il y avait la trahison des secrets répandus la nuit sur l'oreiller, des peurs profondes et des espoirs fous partagés avec une personne unique dans tout le vaste monde. Il y avait les moments de désespoir, l'enfant malade, les retards de remboursement, la prise du mauvais tournant avant de revenir sur la bonne route. Les sourires intimes au petit déjeuner après l'amour, les deux têtes qui se touchaient presque, penchées sur le nouveau berceau dans la chambre d'enfant." (p. 244-245)
Un autre amour, Kate O'Riordan, Editions Gallimard, Joëlle Losfeld, août 2010, 278 p.
Merci, Mara, de m'avoir accompagnée dans cette lecture !
Et encore une fois, un grand merci à Bob pour cette découverte, ainsi qu'aux Editions Joëlle Losfeld.
De Kate O'Riordan, j'ai savouré Le garçon dans la lune, mais j'avais abandonné Une mystérieuse fiancée.
Challenge 1% de la rentrée littéraire de Schlabaya : 7/7, je continue sur ma lancée, c'est parti pour le 2% (avant le 31/12 comme en 2009 ?)...