Annie Ernaux n'a pas connu son unique soeur, décédée deux années avant sa naissance, à l'âge de six ans. Sujet tabou dans la famille : ses parents ne lui en ont jamais parlé ouvertement. Mais dans les années cinquante, on feignait d'ignorer que les oreilles des enfants traînaient et ne perdaient pas une miette des échanges entre adultes. C'est au détour d'une conversation entre sa mère et une voisine que l'auteur apprend, à dix ans, l'existence de "l'autre"... Soixante ans plus tard, Annie Ernaux rédige L'autre fille, une lettre à la petite disparue, où s'expriment la jalousie, la rancœur, l'impression d'avoir été moins aimée que cette "sainte", cette "gentille" fillette, forcément idéalisée par les parents, forcément parfaite aux yeux de sa soeur qui ne sait rien d'elle.
Mon avis est mitigé, plusieurs sentiments se sont succédé au fil de ma lecture. L'agacement, d'abord, face à un discours très psychanalytique dans lequel l'auteur se place en victime (de ses parents, et surtout de sa mère). Le respect et l'admiration, malgré tout, devant cette auteur qui dévoile ses faiblesses, ses sentiments honteux, et dont j'apprécie beaucoup les ouvrages autobiographiques en partie pour cela. L'émotion aussi, devant la douleur éternelle de ses parents, et la sienne... La réflexion sur les non-dits familiaux est intéressante, mais il me semble que, par définition, la parole sur les secrets de famille perturbe/blesse forcément les enfants, quelles que soient les précautions prises.
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L'autre fille, Annie Ernaux, Editions Nil, Les Affranchis, mars 2011, 77 p.