Résolution de début d'année : ce prof d'université consignera désormais son intimité conjugale dans son journal. L'idée n'est pas dénuée de perversité : il espère que son épouse Ikuko lira ces écrits et s'en inspirera. Il faut dire que leur sexualité n'est pas des plus épanouissantes : si Ikuko reste insatiable à quarante-cinq ans et après vingt années de mariage, elle est paradoxalement entravée par de solides inhibitions (se montrer nue, par exemple). Quant au mari, plus âgé qu'elle de dix ans, il se désole de ne pouvoir la satisfaire pleinement, sa virilité commençant à décliner. Les fantasmes stimulants - la jalousie en particulier et les confessions écrites - sont donc les bienvenus.
Attention, de nombreux aspects peuvent heurter notre sens de la morale (occidental ? le mien, en tout cas) : l'inceste (implication du gendre et rôle de la fille), l'alcool et les psychotropes utilisés pour "neutraliser la proie", la sexualité avec un corps endormi qui évoque à la fois le viol et la nécrophilie... Ce dernier point reste cependant acceptable puisque le jeu s'avère réciproque, donc mutuellement consenti. Au-delà de ces thématiques dérangeantes, les réflexions sur le couple sont intéressantes : secrets et mensonges, adultère vécu ou fantasmé, manipulation, difficultés de communication...
Loin des déballages de "qu3ue" (sic) écoeurants/hilarants à répétition de certain ouvrage prétendument sensuel mais in fine lourdement porno, Jun'ichirō Tanizaki nous caresse ici de l'art ô combien subtil de l'érotisme, de la suggestion où la tension et le trouble du lecteur vont crescendo. Le récit est raffiné, délicieusement pervers, brûlant et de ce fait éminemment... agréable.
Première parution en 1956.
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16/20 -
8-9 juillet
Merci Cynthia pour cette idée ! la notice d'Ikuko est certes plus troublante que le journal d'Ik3a... ou l'inverse, cette lecture m'a décidément chamboulée...
La Clef : La confession impudique - Jun'ichirō Tanizaki, traduit du japonais par Anne Bayard-Sakai, Gallimard, Folio, juin 2003, 195 p.