~ Sobibor, Jean Molla
Ce roman porte sur deux thèmes tragiques développés sans fioritures et avec justesse : la Shoah et les troubles alimentaires d'une adolescente. Les allers-retours entre la période contemporaine et le milieu de la seconde guerre mondiale n'offrent aucun répit au lecteur, continuellement plongé dans un récit à la fois poignant et pesant.
De ce fait, cet ouvrage me paraît inadapté à un public très jeune, même si la Shoah fait partie des sujets qu'il ne faut pas épargner aux ados, et qu'elle est traitée ici de manière très documentée sur le plan historique, avec des analyses psychologiques vraiment pertinentes (hormis une histoire d'amour peu crédible selon moi). J'ai lu des ouvrages sur Treblinka et d'autres camps nazis, mais j'ignorais tout de Sobibor et de ses spécificités. Les notes en bas de page de la collection ClassicoCollège m'ont aussi beaucoup appris et intéressé, de même que l'interview de l'auteur et le bref rappel sur le contexte historique.
Nos divergences sur cette lecture avec Canel :
- la fin l'a choquée. Une certaine forme de "soulagement" a occulté chez moi l'incrédulité face au comportement d'Emma.
- je n'ai pas cru à l'amour de la jeune femme polonaise pour ce nazi dont les agissements vont à l'encontre de ses propres principes. Canel rétorque qu'il y a eu beaucoup de complicité passive, d'aveuglement, de déni, et c'est ce qui a rendu possible ce gigantesque et monstrueux génocide.
Sobibor, Jean Molla, Belin, ClassicoCollège, août 2009, 216 p.
Extraits :
"Notre efficacité provient de notre aptitude à maîtriser nos émotions. Ce ne sont pas des êtres humains que nous traitons. Le plus difficile est de le comprendre et de l'accepter. Quand on a saisi cette évidence, tout devient tellement plus simple. Il nous faut veiller également à ne pas poser le problème en termes prétendument moraux. Nous sommes par-delà le bien et le mal, et notre oeuvre pourrait susciter bien des incompréhensions. Il importe donc qu'elle soit achevée quand nous nous en expliquerons. A ce moment-là, elle s'imposera par son évidence." (p. 92)
"Ces théories sur la race, tu y as souscrit parce qu'elles flattaient ton ego, parce que tu éprouvais une immense satisfaction à t'imaginer différent. Tu jubilais d'appartenir à une espèce supérieure : la race aryenne, destinée à régner sur l'humanité. Mais d'autres, à la même époque, n'y ont jamais cru. D'autres se sont battus contre les nazis ou, plus simplement, ont refusé de les suivre." (p. 160)