~ Un délicieux naufrage, Frank de Bondt
Philippe Langon, universitaire et essayiste, connaît un premier succès avec son ouvrage L'Etat inutile, dans lequel il fait l'apologie de l'ultra-libéralisme économique. A la même époque, à la veille de ses soixante ans, il s'éprend d'une femme ayant près de trente ans de moins que lui, et entretient une liaison cachée avec elle. Grisé par ces succès, il tente de concilier vies professionnelle, familiale et extra-conjugale, ce qui n'est pas simple mais semble à sa portée. Y parviendra-t-il !?
Dans un style plaisant, l'auteur dresse un portrait psychologique très réaliste et sans concessions de son personnage principal et des hommes en général. Il écorche habilement la vanité humaine (masculine en particulier), les intellectuels - ou ceux qui prétendent l'être -, les doctrines ultra-libérales...
Une lecture très agréable qui m'a souvent amusé mais sans cependant me faire rire franchement, l'ensemble restant relaté sobrement. On est très loin de Tom Sharpe sur la forme (mais pas sur le fond) : Frank de Bondt est à la fois beaucoup plus subtil et nettement moins surprenant. La preuve : l'extrait cité ci-dessous est l'un des plus corrosifs du roman.
15/20 - 2-3 jours
Un délicieux naufrage, Frank de Bondt, Buchet-Chastel, avril 2011, 282 p.
Un grand merci à News Book pour cette découverte et aux Editions Buchet-Chastel !
Extrait
" Après une parenthèse dans les rapports amoureux, un couple est naturellement tenté de reprendre du service en optant pour la position ultra-classique du missionnaire. Preuve que la colonisation avait du bon. Cela explique d'ailleurs pourquoi l'Eglise, dont la vocation est universelle, comme elle a pris soin de le proclamer, a trouvé si aisément tant de volontaires pour évangéliser l'Afrique noire. Et pourquoi la décolonisation s'est révélée fatale aux vocations sacerdotales. " (p. 105)
* * *
L'avis de Canel :
A cinquante-sept ans, Philippe Langon, prof d'université et auteur, a du mal à accepter de vieillir, et partant, de ne plus plaire aux jeunes femmes. Il est à la tête d'une famille tout aussi nombreuse qu'épuisante : des jumeaux pré-ados, une épouse mère au foyer très... conventionnelle, et deux enfants adultes qui lui donnent du fil à retordre. Sa fille vit à ses crochets, en couple avec un Maghrébin intermittent du spectacle, et son fils est syndicaliste - gloups, dur à avaler, tout ça, pour un conservateur réac' comme Philippe ! Les petites récréations extra-conjugales ne sont donc pas pour lui déplaire. Sa rencontre avec Léna, trente ans plus jeune que lui mais éblouie par sa notoriété, va lui redonner un délicieux coup de fouet. Mais quid de la production littéraire quand on est amoureux ?
Eh bien, il est donc possible d'évoquer l'adultère et les tergiversations qui y conduisent sans ennuyer son lecteur et sans non plus l'engluer dans le sirop, le sexe, le tragique. Beaucoup d'humour mordant, grinçant et pince-sans rire ici. Le couple, la famille, l'adhésion forcenée au libéralisme, les vieux chauds lapins, le milieu littéraire (auteurs, éditeurs, critiques) reçoivent moult coups de griffe, et c'est un régal !
J'ai coché plein de passages succulents/justes/jubilatoires, trop pour les recopier tous, trop bons pour choisir, alors lisez tout le roman !
15/20 - 15-17/07
Plume est enthousiaste, également !
Un délicieux naufrage, Frank de Bondt, Buchet-Chastel, avril 2011, 282 p.
Un grand merci à News Book pour ce premier partenariat et aux Editions Buchet-Chastel dont j'admire toujours la matière des couvertures ! (je suis très "tactile" avec les livres, d'où mes réticences envers le numérique !!)
J'avais emprunté par hasard Le bureau vide à la médiathèque, je me réjouis de retrouver l'humour pertinent, décapant mais sans aigreur de Frank de Bondt.