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Canel
26 novembre 2011

~ L'affaire de l'esclave Furcy, Mohammed Aïssaoui

furcyL'esclave Furcy, né en 1786 à Bourbon (actuellement La Réunion) d'une mère achetée en Inde comme esclave puis affranchie, assigne son maître en justice pour recouvrer la liberté qui lui semble dûe en tant que fils de femme "libre". Le maître riposte en invoquant une tentative de fuite, Furcy est emprisonné et vingt-six années de procédures s'ensuivent.

L'affaire se déroule au début du XIXe siècle, le commerce triangulaire est alors prospère et ceux qui en tirent grassement profit craignent qu'un tel cas fasse jurisprudence. L'affranchissement de cet esclave pourrait entraîner un mouvement massif d'émancipations, voire l'abolition de l'esclavage sur l'île (rétabli en 1802 par Napoléon Ier), ce qui aurait des répercussions désastreuses sur l'économie française. En outre, tout n'est pas si simple sur l'Île Bourbon : les populations se mélangent au gré des unions légitimes ou non, des viols, des affranchissements accordés par certains colons... (cf. extrait)

Voilà un roman-documentaire très enrichissant. L'auteur s'est captivé pour son sujet et attaché au personnage (réel) de Furcy au fil de ses recherches historiques, il parvient à nous faire partager cet enthousiasme. Le contexte décrit est par ailleurs très intéressant, mais la lecture est relativement fastidieuse si l'on se laisse vite rebuter par les subtilités, les méandres de la logique judiciaire.

Sur certaines thématiques, il nous reste tellement à apprendre que le sujet paraît encore plus complexe une fois exposé, on mesure alors la profondeur de son ignorance et on a envie de creuser la question en amont. C'est exactement le cas ici, mais un ouvrage "jeunesse" me conviendrait mieux.

Premier de la classe = 14/20 - Horloge  23 au 26/11

L'affaire de l'esclave Furcy,  Mohammed Aïssaoui, Gallimard, Folio, septembre 2011, 221 p.

Extraits :

" Pour [Gilbert Boucher], l'esclavage était un redoutable système, sans doute le plus rentable qui ait jamais existé. Boucher avait des pensées amères : "On a habillé l'esclavage du vernis de la morale, de la religion. Ah, Dieu ! qu'est-ce qu'on a pu faire en ton nom ! On l'a même justifié par des considérations physiques, naturelles... En réalité, il n'est question que d'argent, de commerce. La religion, comme la morale - fluctuante -, n'était que le moyen de faire admettre des atrocités", se disait-il.
Et la couleur de la peau ? D'abord, le mot noir était avant tout synonyme d'esclave. Ensuite, à l'île Bourbon, il existait tellement de nuances de couleur de peau qu'il était bien difficile de s'y retrouver. On avait bien essayé d'établir des catégories : blanc, métis, noir ou rouge. C'était tellement compliqué que l'administration coloniale avait abdiqué face à toute tentative de classification. (...) Boucher se rappelait qu'à son arrivée sur l'île Bourbon, il avait été frappé par cet extraordinaire mélange de population. On y croisait des gens de toutes sortes, des noirs aux traits d'Asiatiques, des blancs aux formes négroïdes, des Indiens, des blonds à la peau brune, et toutes les couleurs et toutes les formes de cheveux... Il existait tant de teintes de peau, y compris au sein d'une même famille, qu'il était bien difficile de classer telle femme ou tel homme dans telle catégorie.
Enfin, tout était bien moins monochrome qu'on veut bien le croire. Bien sûr, il y avait des noirs esclaves. Mais des noirs possédaient aussi des esclaves, et nombre d'entre eux étaient farouchement opposés à toute idée d'abolition. Des noirs chassaient, jusqu'à les tuer, d'autres noirs. Des noirs asservissaient des métis... Et il arrivait souvent que, dès qu'un esclave devenait affranchi, il ambitionnait de posséder des esclaves, lui aussi. Des blancs aidaient des noirs, et vice-versa... (...) dans l'Afrique de l'Ouest des hommes - noirs, notamment des rois auto-proclamés, des princes de village ou des chefs de tribu - s'étaient considérablement enrichis en vendant une partie de leur peuple. Ils n'étaient pas les moins atroces quand il s'agissait de maltraiter et de torturer. Des musulmans, aussi, avaient exercé les pires exactions. "
 
  (p. 161-162)

" Tous les rouages politiques, administratifs, judiciaires tendaient vers ce seul but : entretenir la machine esclavagiste pour nourrir l'économie. Des industries entières avaient propspéré grâce à ce système. Autrement, ce n'aurait pas été aussi efficace. L'aboltion faisait peur, non pour des raisons idéologiques ou philosophiques, mais pour des raisons économiques. "   (p. 163)

" Et moi ?  Dans ma généalogie, il a pu exister des négriers, des trafiquants d'esclaves, des profiteurs d'un système ignoble : les Arabes et les musulmans* ont été parmi les pires esclavagistes, pourquoi ne me suis-je pas engagé dans cette voie ? car dans cette histoire-là, dans mon histoire, il y a des silences aussi. De grands silences.
Sommes nous responsables de nos pères ? En mal. Ou en bien. "  (p 212-213)

* Nota : l'auteur est d'origine algérienne

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Commentaires
C
@ L'Ogresse : bien sûr que OUIII, tu lui offres, après il aura envie, je pense, d'en savoir plus sur l'avant et l'après sur cette île. Sauf s'il connaît déjà !?... Tu sais bien que je suis un peu "chochotte" dès que ça devient un chouïa + complexe qu'un bon polar... donc pas une référence fiable !! ;-)<br /> "Mon" Mr va adorer, j'en suis sûre, mais les pépites s'entassent sur sa PAL, et là il est sur un gros truc... = russo-naturo-writing ? <br /> Autres idées pour ton papa : les BD de Delisle ! et bien sûr dans tes chaussons à TOI, la série 'Le combat' de Larcenet !!<br /> @ Joelle : non, non, n'hésite pas, je t'assure ! comme je dis à L'Ogresse, je ne suis pas une référence, suis une vraie bille en éco, droit, géo, etc... :-(<br /> @ ICB : oui, tu as raison, l'aspect juridique (un peu) ardu est largement compensé par le reste qu'on apprend de manière "agréable" (façon de parler)... Zut, je crois que je vais ré-écrire mon billet de manière + positive !! ;-) :-)<br /> @ tous les 3 : est-ce que vous me comprenez mieux si je vous dis qu'en même temps, ce WE, j'étais sur 'Chroniques de Jerusalem' de Delisle qui, bien que très intéressant et sous forme BD, est parfois un peu complexe aussi dans les conflits "politico-ethno-géo-etc." !?!? ;-)
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L
@ Canel et In Cold Blog - bon, alors, je l'achete ce livre ? Je vais peut-etre attendre l'avis de Mr avant de prendre ma decision...
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J
C'est un sujet qui m'intéresse mais j'ai peur de faire partie de ceux qui seront rebutés par les méandres judiciaires !
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I
Je me permets d'intervenir pour rassurer L'Ogresse : je ne suis pas du tout spécialiste, mais je n'ai pas trouvé du tout l'aspect "juridique" pesant. D'autant qu'à mon avis, il est largement compensé par l'aspect historique et humain du combat de Furcy. J'attends moi aussi l'avis de Mr. :-)
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C
@ L'Ogresse : je suis particulièrement gourdasse en matière juridique, je pense que ça plairait à ton papa. Attends l'avis de Mr, il compte le lire rapidement et je pense/suis sûre qu'il va adorer l'aspect juridique. Ce qui est intéressant dans ce livre est ce qui fait sa complexité : pas un simple clivage Noirs/Blancs, mais un mélange de différentes populations qui brouille les pistes. Ca donne envie de connaître l'histoire de l'Ile Bourbon avant, et surtout comment ça s'est passé après l'abolition de l'escalavage.<br /> @ Stephie : à lire ! allez, allez !! :-)<br /> Elle fait combien, ta pal ? > 200 ? > 500 ?<br /> @ Sandrine : fastoche, j'ai rendu ma copie illico ! :-)
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