~ Les enfants de l'envie, Gabrielle Piquet
A partir de 1950, une base américaine importante s'installe à Laon, en Picardie. Ses soldats seront invités par de Gaulle à rentrer dans leur patrie d'origine en 1966 : "US go home ! La France est désormais en mesure d'assurer seule sa défense" . (p.70)
L'auteur évoque dans cet album cette cohabitation et ses conséquences sur la population locale. Certes, l'arrivée en grand nombre de ces Américains a dopé l'économie, amélioré l'hygiène de vie des Laonnais, et été l'occasion de mariages mixtes... Mais elle a aussi eu des conséquences moins heureuses pendant la présence de ces soldats (sentiment d'infériorité de la part des Français, principalement les hommes) et à leur départ : beaucoup de mères célibataires d'enfants franco-américains, laissées 'sur le carreau', un chômage massif à la fermeture de la base.
Cette histoire nous est contée à travers le regard d'un artiste peintre, Basile, dont la jeunesse se déroula pendant cette cohabitation. Fils abandonné par son père américain, il nourrit une passion/obsession pour les Etats-Unis - pays au coeur de ses oeuvres.
Encore un pan de l'Histoire de France dont j'ignorais tout. La BD est décidément un excellent support documentaire, "indolore" et même extrêmement plaisant quand l'auteur a du génie - ce qui est le cas de Gabrielle Piquet. Son texte est superbe, son trait est fin, ses dessins sont géniaux, les visages et les silhouettes vraiment expressifs, a fortiori dans les représentations symboliques. Les deux garçons dont l'on suit la destinée, de l'enfance à l'âge adulte, sont en outre particulièrement attachants.
Bref, beaucoup d'émotion. Une réussite totale !
+ = 18/20 - 25 & 26 mai - emprunt mdtk au hasard
Les enfants de l'envie, Gabrielle Piquet, Casterman, Ecritures, avril 2010, 197 p.
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Le texte : "Avec le temps, j'ai pris le silence de ma mère au sujet d'Henry [mon père] comme le signe d'une douleur mal digérée. La souffrance reste là, tapie dans un coin du ventre, muette. Si on lui redonnait de la voix, elle crierait si fort que la vie à venir ne serait plus qu'un murmure inaudible, vain." (p.88)