~ La Légende de nos pères, Sorj Chalandon
Le narrateur est biographe familial : il rencontre, sur plusieurs séances, un inconnu qui souhaite voir sa vie rédigée sous forme de livre. Son travail consiste à écouter, transcrire, habiller les propos de son "client", ceci le plus fidèlement possible, avec le maximum de neutralité.
A ce titre, la fille de Beuzaboc le contacte pour qu'il écrive sur les années de guerre de cet homme en tant que résistant. Faute d'avoir osé/pu discuter avec son propre père de son passé de partisan, l'écrivain y voit (plus ou moins consciemment) l'occasion de retrouver l'histoire paternelle, indirectement, via le témoignage d'un de ses pairs. Il accepte donc. Mais les attentes très personnelles du biographe vont biaiser les échanges avec le vieil homme dont il doit raconter les souvenirs. "Je partais sur les traces de son père comme si c'était le mien." (p. 169)
Voici une histoire d'amour et d'admiration d'une fille pour son père, très belle et émouvante. Le récit m'a semblé de plus en plus fort, de plus en plus brillant au fil de la lecture, à mesure que l'on découvre le parcours de Beuzaboc. Il interpelle sur la place du biographe (ou du journaliste), sur son objectivité - parfois difficile lorsqu'il est lui-même trop impliqué. Ce roman interroge également sur les "légendes" familiales, l'image que l'on veut donner de soi, celle que l'on veut avoir (et garder à tout prix) de ceux que l'on aime. Il évoque de ce fait en creux l'acceptation du silence parental, lorsque le passé est déjà trop lourd à porter pour être dit (Allemands de la 2e génération, enfants des combattants en Algérie, etc.).
Un superbe roman.
Le billet de Gambadou qui nous apprend que l'auteur "se cache" plutôt dans le personnage de Lupuline que dans celui du biographe.
+ = 17/20 - 30 & 31 août - PAL 2011
La Légende de nos pères, Sorj Chalandon, Le Livre de Poche, août 2011, 253 p.
Merci à Sandrine, Aproposdelivres et Valérie pour cette lecture commune !