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Canel
11 avril 2015

~ Je vous écris dans le noir, Jean-Luc Seigle

je vous écris dans le noir

JLS

Flammarion, 7 janvier 2015, 233 p.

♥♥♥♥

Connaissez-vous Pauline Dubuisson ? Vous vous souvenez peut-être davantage de Brigitte Bardot dans "La Vérité" ? Clouzot s'est inspiré pour ce film du destin tragique de cette jeune femme. 
Pauline Dubuisson a assassiné son amant en 1950, elle avait vingt-trois ans. Lors du procès, on fit grand étalage de ses moeurs légères, notamment avec les Allemands pendant la guerre. On réclama la peine de mort, elle fut condamnée à perpétuité. Elle a purgé neuf ans de prison, subissant la violence des codétenues et des gardiennes, trouvant refuge et réconfort dans les livres.
Elle change d'identité pour se faire oublier quand elle est libérée pour bonne conduite en 1959, mais doit s'exiler au Maroc à la sortie du film de Clouzot en 1962, non pas pour recommencer sa vie, mais pour en commencer une nouvelle - nuance. Mais peut-on effacer une telle ardoise ? Pauline essaie de s'expliquer dans des lettres à l'homme qu'elle aime et qui l'a demandée en mariage, lui qui ignore tout de son passé. Ces carnets ont existé, ils ont disparu, JL Seigle les a imaginés...

Au fil des écrits, les perspectives changent, les contours se modifient, les personnages évoluent. On perçoit le père différemment, de plus en plus éloigné du papa aimant et attentionné envers sa fille, sa petite dernière. Il faut dire que les deux guerres ont fait des ravages chez les Dubuisson, le père a "fait" 14-18, la mère a vu des enfants mourir de faim à Lille pendant la première guerre mondiale, leurs deux fils aînés ont été tués au combat. Tous ces drames ont chamboulé et métamorphosé la famille et chacun de ses membres...
Le regard de Pauline devient-il plus lucide à mesure qu'elle se confie, prend-elle conscience de certains événements ? Ou, son désespoir grandissant, noircit-elle au contraire le tableau, sur la personnalité paternelle, notamment ? Elle dit "écrire dans le noir", son histoire lui est incompréhensible : « (...) il est difficile de me retrouver dans toute cette confusion entre les vérités cachées, les désirs profonds et les malentendus » (p. 102). On s'interroge beaucoup sur les comportements du père, on se demande lesquels correspondent le plus à la réalité - la vision de la petite fille qui idolâtrait son papa ou celle de la femme trahie par cet homme à plusieurs moments tragiques de sa vie ?

J'ai été déçue par cet ouvrage et mal à l'aise tout au long de ma lecture : parce que j'avais vu passer beaucoup d'avis positifs, parce que En vieillissant les hommes pleurent de cet auteur m'avait particulièrement touchée, parce que j'avais du mal à ressentir de l'empathie pour cette jeune femme.
Mais la fin m'a donné une bonne claque, salutaire, m'invitant à réfléchir aux intentions de l'auteur, à repenser à toute cette confession, à ne pas juger trop vite, à ne pas condamner. Si "erreurs" il y eut, Pauline les a payées, et chèrement. Autres temps, autres moeurs, on ne peut pas avoir un avis tranché sur les drames des autres vus à travers le prisme des médias, de l'opinion publique, d'un film... 
« L'histoire de Pauline, comme toutes les histoires, ne peut donc pas se raconter uniquement sur les faits, elle doit s'établir sur les silences de sa vie... » (p. 12)
Et les silences, ça ne s'interprète pas, ça interpelle...

D'autres avis : Sylire, Juin, Cilijoya...

agenda 9 & 10 avril

- challenge rentrée hiver 2015 avec Laure Valérie itinérante, chez MicMélo -

challenge rentrée hiver 2015

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Commentaires
S
D'accord avec Rimambelle sur le fait que l'auteur s'est fait l'avocat de Pauline et que c'est réussi. J'ai beaucoup aimé ce livre.
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U
En fait c'est "drôle" que tu dises que tu avais du mal à avoir de l'empathie pour Pauline car lorsque j'ai entendu l'auteur à la grande librairie, j'ai eu comme lui beaucoup d'empathie pour cette jeune femme et il dénonçait justement le manque d'empathie que ses contemporains ont eu à son égard. L'auteur aurait donc pu être un formidable avocat.
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