~ Les mères, Samantha Hayes
Until you're mine, 2013
traduit de l'anglais par Florianne Vidal
Le Cherche Midi, 2013
Pocket, 15 mai 2014, 498 p.
♥♥♥♥♥
Claudia doit accoucher d'une petite fille dans deux semaines. Son mari James a déjà deux fils, des jumeaux de quatre ans qui n'ont pas connu leur maman, décédée d'un cancer peu après leur naissance. L'idéal pour tous serait que Claudia arrête de travailler après l'arrivée du bébé et se consacre à cette petite famille, au moins pendant quelques mois. Ils ont largement les moyens financiers, et James, officier de marine, s'absente souvent pour plusieurs semaines. Mais pas question pour Claudia qui adore son boulot. Une seule solution : trouver une Nanny qui restera à demeure 24h/24. Zoé Harper se présente, elle séduit immédiatement le couple, mais inquiète bientôt Claudia par certains comportements étranges - allons Claudia, keep cool, c'est tes hormones qui te rendent parano... Heum, pas sûr : le lecteur, lui aussi, est effrayé par cette jeune baby-sitter qu'il voit et entend en 'off', ses fréquentations et certaines de ses attitudes sont bizarres et flippantes. D'autant que, pas très loin de là, des femmes sur le point d'accoucher sont éventrées.
Ah, c'est glauquissime et j'adore ! J'adore parce qu'on tremble, mais on réfléchit, aussi, même si on avance à toute vitesse pour savoir. Comme le titre français l'indique, il est question de mères dans ce thriller. De mères dans tous leurs états, de femmes souhaitant devenir mère, de femmes enceintes sans l'avoir désiré, de mères défaillantes, de mères en difficulté avec leurs enfants ou dans leur couple, de choix de vie pour les femmes, de grossesse, "d'hormones" et de sautes d'humeur, de peur (d'accoucher, de ne pas être une bonne mère).
J'ai beaucoup aimé le duo d'enquêteurs : Lorraine et Adam vivent ensemble depuis une vingtaine d'années, ils ont deux filles ados, et traversent une crise conjugale depuis que monsieur a été infidèle. Madame ne décolère pas et balance, lors des interrogatoires, des vacheries à son compagnon qui passent inaperçues pour le témoin sur le gril, mais que le lecteur savoure tant cela sonne juste, surtout qu'Adam semble tout faire pour la rendre dingue, en retour : « Lorraine foudroya son mari du regard. Il en tenait une sacrée couche, des fois. » (p. 272)
On attend la fin avec un petit sourire en coin, croyant avoir tout deviné, c'est trop facile ! Et puis dans le dernier quart, tout s'accélère, d'autres pistes sont suggérées, et le dénouement balaie une partie de nos certitudes, et surprend.
Génial ! Mais à déconseiller aux femmes enceintes, à celles qui rêvent d'avoir un bébé mais ne peuvent pas, à tous ceux que les "baleines" agacent - quand elles se caressent le ventre, se tiennent les reins et gémissent à chaque mouvement...
L'intrigue m'a fait penser à celles de Barbara Abel, et les réflexions pertinentes sur la maternité et le couple m'ont évoqué Randy Susan Meyers (Trois secrets).
• EXTRAIT
Malgré sa réticence, Lorraine glissa la main sur les coussins du canapé et attrapa celle de son mari.
Ce geste lui rappela la seule et unique fois qu'ils avaient consulté une conseillère matrimoniale. La femme lui avait demandé de prendre la main d'Adam, pour voir ce qu'elle ressentait. A cette époque, elle aurait pu lui répondre sans se donner la peine de bouger un muscle : « De l'écoeurement. »
« Le toucher ? » avait-elle répété, sur un ton incrédule.
Elle aurait préféré le pincer jusqu'au sang ou lui balancer un méchant coup de pied, mais elle s'était fait violence et lui avait pris la main.
« Alors, quelle impression ça fait ? avait demandé la thérapeute.
- C'est chaud ? avait proposé Lorraine.
- Oui, chaud. C'est très bien. Cela veut dire que vous ressentez la vie qui est en lui, son attirance pour vous, l'émotion, l'amour qui coule dans ses veines.
- Pitié, arrêtez vos conneries », avait crié Lorraine en retirant sa main. « Il est chaud, j'ai jamais dit le contraire. Tellement chaud qu'il est incapable de garder sa queue dans son pantalon. »
Lorraine entendait encore le soupir excédé qu'Adam avait poussé à ce moment-là.
« Ça ne s'est pas passé comme ça... » avait-il rétorqué pour justifier son comportement. La séance allait se terminer et Lorraine en avait plus qu'assez. De toute évidence, cette stupide bonne femme avait pris fait et cause pour Adam - peut-être faisait-elle partie de 'ces femmes-là', peut-être qu'elle avait d'autres priorités.
Quoi qu'il en soit, elle ne laisserait pas une étrangère la ridiculiser et la traiter avec condescendance. Et il n'était pas question de payer pour tenir la main d'un type qui venait de la cocufier.
(p. 371-372)
* * *
- challenges Voisines-Voisins chez Claire (Royaume-Uni) et thrillers & polars chez Sharon (17e) -