les mauvaisesLa Manufacture de Livres, février 2018, 210 p.

sev♥♥

Silhouette fluette, orange, elle se balance au bout d'une corde, sous le viaduc désaffecté. Une mobylette est garée pas très loin, orange aussi...

Cette histoire sombre est tissée de trous et de fils.

Les trous : des volcans d'Auvergne, des cratères, un lac artificiel vidé, des fosses préparées pour des morts, des parents absents, des mains crevassées, des coeurs perforés, des manques affectifs, des amnésies, des disparitions, l'exode rural...
Avec ces trous : des chutes.
Mais aussi des choses enfouies, enterrées dedans ou dessous.

Les fils : un câble de funambule, une corde de pendu(e), un viaduc qui surplombe le gouffre et relie les rives, des ficelles tendues entre des branches d'arbres, un bout de laine pour tenir un ami par la main, des traces blanches d'avions dans le ciel, un chemin de fer, des élastiques...
Les fils sont emmêlés ou détruits, les repères brouillés, les rôles parfois inversés - quand, par exemple, 'Bébé', c'est le grand-père (un grand-père qui n'a jamais appris les codes familiaux ?).

marais

Je ne suis plus tentée par les romans dits 'du terroir'. J'en ai trop consommé dans les années 80-90's, peut-être.
Les descriptions de paysages, végétaux & animaux me lassent vite. Je n'ai rien contre l'idée de communion avec la nature, mais je préfère pour cela la vraie vie au nature-writing, où le rythme est souvent lent et centré sur des sujets qui m'ennuient (chevaux, bétail, pêche, chasse...).

Ce roman de Séverine Chevalier m'a immédiatement séduite.
La plume est sensible et visuelle, 'à l'os', sans chichis, sans métaphores éculées, sans termes vaporeux rebattus.
Ce style très personnel est 'sauvage', sincère, et j'imagine un long travail de réécriture (ou un immense talent spontané) pour parvenir à un tel raffinement, à cette simplicité apparente, que j'admire et envie.
Du diamant brut, totalement en phase avec l'histoire noire de Roberto et de ses proches.

Tout mérite qu'on lise soigneusement, lentement, et même qu'on s'arrête (les images, les détails, les mots et leur agencement sur la page), et tout m'a éblouie, jusqu'aux noms/surnoms des personnages et animaux.
Tout, sauf la fin. Qui ne m'a pas déplu, mais déroutée - la forme des derniers chapitres, et peut-être aussi le final abrupt.

Pour tout le reste, je recommande ce roman, grandiose !
Et je vais m'empresser de découvrir les deux autres de cette auteur qui, paraît-il, change de registre à chaque fois.

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23 & 24 nov.