Père des mensonges, Brian Evenson
Ma curiosité a été éveillée par les billets enthousiastes de Cuné, Amanda, Cathulu. Je lis "impossible à lâcher" (Cuné), j'accours ! J'ai donc abandonné momentanément mes deux lectures en cours pour me plonger dans cet ouvrage. Immersion totale dès le début. Un roman noir, très noir, probablement fidèle à la réalité de certaines communautés religieuses, et à ce titre révoltant.
Eldon Fochs est "doyen laïc au sein de la Corporation du Sang de l'Agneau" (p. 19), une secte religieuse conservatrice. Son épouse lui conseille de consulter un psychothérapeute en raison de troubles du sommeil, de rêves agités où il profère des paroles terribles avec une autre voix que la sienne. Le récit alterne lettres de pression de la hiérarchie du doyen sur le psy, compte-rendus du thérapeute et témoignages de Fochs. Le premier rapport médical révèle des fantasmes pédophiles sur de jeunes garçons, et meurtriers à l'encontre d'une jeune fille (qui a été réellement assassinée). Le récit de Fochs lui-même donne un autre éclairage à l'affaire : on suit les délires hallucinatoires d'un homme malade, certes, mais aussi les aveux froids d'un individu lâche, fourbe, calculateur, qui exploite sa position d'autorité auprès des jeunes gens dont il abuse en prétendant leur donner l'absolution divine. Pédophilie, meurtre, inceste, Fochs est capable du pire, et c'est à peine si on trouve l'ombre d'une explication (quelle a été la véritable enfance du personnage ?)...
Un livre terrible, percutant, sur la pédophilie et les justifications religieuses invoquées ici par le coupable... mais aussi sur l'aveuglement et l'hypocrisie à l'oeuvre dans certaines communautés religieuses où la hiérarchie est prête à tout pour éviter le scandale.
C'est bouleversant, écoeurant, dérangeant. Mais on a beau ressentir une aversion croissante pour le personnage et un violent sentiment d'injustice et de révolte, on est malgré tout captivé et on aimerait pouvoir lire ce livre d'une traite.
Leiloona en parle ici. Stephie et Pimprenelle en ont fait leur lecture du dimanche.
Père des mensonges, Brian Evenson, Le Cherche-midi, janvier 2010, 233 p.