Chez nous, film de Lucas Belvaux (2017)
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Hier, à Nantes, ceux qui ont peur de la montée du FN pouvaient aller défiler pacifiquement* au soleil contre l'accueil du meeting bleu marine au Zénith ce dimanche, ou s'enfermer dans une salle pour voir le film 'Chez nous'. Ou les deux...
* la casse était en marge de la manif, il n'y avait certainement pas 800 personnes "prêtes à en découdre" sur les 3000 manifestants
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film de Lucas Belvaux, sortie en salle le 22/02/2017, 1h58
avec Emilie Dequenne, André Dussollier, Guillaume Gouix...
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Pauline est née à Hénard, commune fictive du Nord de la France. Elle a toujours vécu là, ses parents et grands-parents y étaient ouvriers, mineurs, quand il y avait encore du boulot dans la région.
A trente ans passés, Pauline est une infirmière dévouée, chaleureuse, sérieuse, qui mène de front son boulot et l'éducation en solo de ses deux jeunes enfants, et s'occupe en prime de son père bougon qui se néglige depuis son veuvage. Elle voit la misère, les problèmes de cohabitation entre les différentes populations, le malaise et le ras-le-bol croissants. Elle ne juge pas, ne prend pas parti ; les blagues racistes, elle en rit volontiers, pour déconner. On voit bien qu'elle ne fait pas de différence entre les gens. Intelligente, humaine, sincère, elle soigne et oeuvre au mieux... Une proie idéale, une jolie vitrine : le vieux médecin de famille lui propose de devenir tête de liste aux municipales de la commune par un parti populiste. Enfin, il présente les choses en douceur : elle peut tout changer, améliorer la vie de ses concitoyens...
Inutile de préciser que ce film et que le livre Le bloc (Jérôme Leroy) dont il s'inspire sont très proches de la réalité d'un parti nationaliste français. Les mêmes discours, les mêmes manoeuvres de séduction, les mêmes méthodes - celles qu'on connaît, déjà pas forcément reluisantes, et les autres, cachées, inavouables (magouilles, violences...).
L'histoire s'installe lentement, simplement, les personnages nous ressemblent, les filles font de la danse, les garçons jouent au foot, les ados passent trop de temps sur leur ordi, ça inquiète les parents, les étrangers ont leur ghetto, mais ça ne déborde pas trop. Petites vies ordinaires de gens modestes. L'intrusion du parti vient foutre un bordel monstre...
Excellent film où les nuances des personnages apparaissent progressivement, à travers leurs doutes, leurs contradictions, leurs prises de position. Les acteurs sont très bons, incarnant des individus beaucoup moins simples qu'ils ne paraissent de prime abord. Le rôle de Stanko en particulier est très fort - et Guillaume Gouix joue à la perfection cet homme aux comportements et sentiments complexes et ambivalents.
De quoi faire réfléchir au hiatus entre les têtes d'affiche des partis et leur 'base', et entre les véritables motivations des candidats aux hautes fonctions (qui n'ont rien à voir avec ce qu'ils promettent) et les besoins du peuple...
- Edit à 19h15 : ils sont venus, ils sont tous là, elle sera élue, la Mama... (écoeurée devant ma TV à les voir agiter leurs drapeaux au Zénith en braillant 'On est chez nous !')...
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■ L'avis de Mr
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Dans la petite ville de Hénard, dans le nord de la France, une jeune infirmière appréciée de tous est approchée pour devenir candidate du Rassemblement National Populaire. Ce parti d’extrême droite tente de dissimuler sa vraie nature, sous les mots : « peuple », « préférence nationale », « travail », « famille », « patrie » (en évitant cependant d’utiliser ces trois derniers ensemble et dans cet ordre…). Flattée, la jeune mère de famille hésite, tiraillée entre les encouragements des uns et l’hostilité des autres.
Le RNP, nouveau nom du 'Bloc patriotique', ressemble étrangement au Front National, et ce n’est pas fortuit… Le propos est habile : il dresse un portrait peu flatteur et réaliste d’un parti politique qui, plus que les autres, trompe la plupart de ses électeurs (même si certains le suivent en toute connaissance de cause…). Le réalisateur est à l’abri de toute poursuite pour diffamation : les membres ou électeurs du FN qui s’y reconnaîtraient signeraient en effet ainsi des aveux : de tromperie, de racisme, et j’en passe. Les comédiens sont en outre excellents (exceptée la leader du Parti, dont les discours, prononcés à une vitesse exagérée et inhabituelle chez les politiques, ne sont guère crédibles).
Dommage que ce ne soient pas les électeurs tentés par le vote pour MLP qui aillent voir ce film ! Peut-être certains comprendraient-ils ce que dissimulent ses mots : il n’y a qu’à écouter d’anciens propos de l’intéressée, ou ceux de son père qu’elle n’a jamais condamnés malgré leur brouille et leurs divergences de stratégie.
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