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Canel
18 avril 2015

~ Refuges, Annelise Heurtier

refuges

Casterman, 15 avril 2015, 236 p.

♥♥♥♥♥

Lampedusa, ses paysages somptueux. Une petite île méditerranéenne de 20 km2 où une adolescente de dix-sept ans en villégiature peut s'ennuyer ferme. Mila redoute ce mois de juillet en huis clos avec ses parents, surtout que sa mère n'est pas en forme, voilà six ans qu'elle traîne sa dépression depuis le décès du petit frère.

Lampedusa, une île italienne entre Afrique et Europe. Une première étape prometteuse vers l'occident, le point à atteindre pour les Africains qui n'ont plus rien à perdre dans leur pays, victimes de pauvreté extrême, de la guerre et/ou d'une dictature.

Une dizaine de voix dans ce récit : celle de Mila, en alternance avec celles de jeunes Erythréens âgés de quatorze à vingt-deux ans, qui fuient pour un monde meilleur, forcément meilleur, ça ne peut pas être pire : « Je le sais depuis que je suis tout petit : l'Europe, c'est la promesse d'une vie meilleure. Je suis fort, courageux. La fatigue ne me fait pas peur. Là-bas, je serai discret, laborieux, je ferai les travaux dont personne ne veut. Je serai heureux de ce qu'on me donnera. Je n'irai pas pour prendre la place de qui que ce soit. J'irai parce que je suis né au mauvais endroit. J'irai parce que j'ai envie de vivre. » (p. 167)

Le parcours de ces migrants est long, dangereux, coûteux, l'arrivée incertaine, ils risquent la mort, le retour forcé et musclé au point de départ. « (...) la décision de quitter mon pays, le passage de la frontière, le camp des réfugiés, les mois de travail à Karthoum pour financer la suite du trajet, les voyages à pied, en bus, en 4x4 ou sous les bâches d'un camion, les passeurs, le sable, la chaleur, les matraques, les soldats, le froid, les coups, l'odeur des cadavres, le sexe, l'argent, l'argent, le sexe, les coups et enfin, alors que nous avions déjà survécu à la traversée du Soudan, alors que nous pensions déjà à Tripoli, les trafiquants libyens qui avaient arrêté notre véhicule, au milieu de la mer de sable du Fezzan. » (p. 146)

Superbe roman, bouleversant et révoltant, qui m'a beaucoup appris sur la situation politique en Erythrée : « (...) service militaire forcé de 17 à 47 ans, interdiction de la presse indépendante, arrestation et torture des opposants, limitation des déplacements, contrôles d'identité systématiques, giffa, camps d'enfermement... »

L'auteur trouve le bon dosage pour intéresser le lecteur adolescent, évoquant tour à tour les tourments d'une adolescente européenne (problèmes familiaux, deuil, mal-être) et le drame de jeunes africains défavorisés dont l'avenir est bouché. Le sort de ces migrants est triste à hurler, surtout si l'on pense à ce qui les attend après - exemple des centres à Calais, insertion difficile une fois installés...

En (longue) conclusion, ces mots de l'auteur : « Même s'il est très difficile de produire des chiffres exacts, on estime a minima qu'en vingt ans, plus de 13 250 clandestins sont morts aux frontières de l'Europe. » Annelise Heurtier précise avoir « situé cette fiction en 2006, afin de mettre en avant le sort particulier des migrants érythréens fuyant leur pays, non pas pour "profiter" des aides sociales des pays européens mais bien pour échapper à l'intolérable répression mise en place quelques années plus tôt en Erythrée. » (p. 232-233) 

agenda 16 & 17 avril 

Un grand merci aux éditions Casterman pour cette découverte.

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Commentaires
N
Une auteure à suivre ! Il me fait très envie son petit dernier je dois dire !
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L
il m'a complètement retournée ce roman! j'y pense tous les jours!!<br /> <br /> l'auteur est vraiment forte et nous offre une littérature jeunesse vraiment belle, et intéressante!
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G
Cool, c'est ma prochaine lecture !
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T
Anne-Llise Heurtier s'attaque décidément à des sujets qui fâchent, cette lecture est tentante.
Répondre
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