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Canel
30 avril 2015

~ La dernière leçon, Noëlle Châtelet

la dernière leçon

NC

Seuil, septembre 2004, 171 p.

♥♥♥♥♥

A quatre-vingt douze ans, la mère de Noëlle Châtelet (et de Lionel Jospin*) a décidé de mettre fin à ses jours. Elle n'est pas malade, mais "simplement" usée, et la fatigue est pour elle une déchéance honteuse, elle refuse de devenir un poids pour ses enfants. Elle veut en outre partir dignement, elle qui a milité activement en faveur de l'euthanasie souhaite être encore en pleine possession de ses moyens pour accomplir le geste elle-même le moment venu.
Elle informe ses quatre enfants de cette décision, leur annonce même la date : le 17 octobre, trois mois plus tard. Comme c'est dur à entendre ! Face à leur réaction, elle accepte de différer sa mort de quelques jours, sans préciser la date cette fois. Le triste compte à rebours est commencé, pour elle, et pour ceux qui l'aiment.

La mère de Noëlle Châtelet exerçait la profession de sage-femme. De même qu'une naissance se mûrit en plusieurs mois, physiquement, psychiquement, seule, avec ses proches et/ou des professionnels, cette vieille femme prépare sa mort pendant de longues semaines, seule (tri, rangement) et avec sa fille, l'auteur alors âgée de cinquante-huit ans, dont elle est très proche affectivement. 
Noëlle Châtelet évoque dans ce texte ce douloureux travail conjoint d'une mère et de sa fille, comme une "vaccination", de "l'homéopathie" : apprivoiser l'idée de la séparation pour moins souffrir le moment venu, mieux faire face. Les sentiments traversés ressemblent à ceux du deuil, bien sûr, mais avec la compagnie du futur défunt, ils sont différents.

Anticiper la mort d'un proche de cette façon la rend-il moins douloureuse ? J'en doute, et je me suis interrogée plus d'une fois sur la "cruauté" du geste de la vieille dame vis à vis de ses enfants - non pas celui de se suicider, mais celui d'annoncer la période choisie si longtemps à l'avance, et de solliciter autant sa fille dans les préparatifs - même s'il s'agit d'un geste d'amour, on le voit : la mère prépare doucement sa fille à vivre sans elle, elle lui "tient la main" sur la route du deuil avant qu'elle y chemine seule, comme quand, enfant, la petite apprenait à écrire... Ceci de manière positive, optimiste, parfois gaie.

Ce livre est superbe, certes, l'euthanasie est un sujet qui m'interpelle, j'y suis favorable, j'admire la sensibilité de Noëlle Châtelet, ses mots, mais j'ai eu du mal à m'identifier aux personnages, aussi bien en tant que mère qu'en tant que fille - peut-être me suis-je tenue à distance, parce que cette démarche me semble vraiment trop éprouvante ? J'ai lu ce témoignage à petites doses, vite plombée, agacée, dérangée. Gênée de cette intrusion trop intime, comme si je regardais une inconnue accoucher longuement, douloureusement, soutenue tant bien que mal par le père désemparé du bébé. Quelque chose de cet ordre-là, oui... Les dernières pages m'ont émue aux larmes, quand même.
Sur ce thème (accompagnement de fin de vie d'un proche, mort, deuil), j'ai été bouleversée en revanche par D'autres vies que la mienne d'Emmanuel Carrère et par l'album de Sylvain Ricard & Isaac Wens La mort dans l'âme.

* PS : je mentionne Lionel Jospin parce que ce décès est survenu fin 2002, année de sa défaite aux élections. Sans parti pris politique, je pense à la souffrance de l'homme déjà fragilisé par un échec... 

agenda 26 au 30 avril - emprunt mdtk

Les superbes billets de Cristina (je ne trouve pas ton billet sur ton blog, je le prends sur Bbl) et de ManU.

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Commentaires
M
Sur le thème "tout s'est bien passé" de Emmanuelle Bernhein, qui raconte l'accompagnement de son père
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S
Je me souviens avoir lu ce témoignage avec beaucoup de larmes et avoir été aussi pas mal dérangée par l'intrusion dans cette intimité familiale. Sur le même sujet, le livre d'Emmanuelle Bernheim "Tout s'est bien passé" est carrément une comédie.<br /> <br /> Ceci dit, j'ai aussi le souvenir d'interview de la mère de l'auteur sur ses engagements envers les femmes. Un belle personne et forte personnalité à priori.
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C
lu il y a quelques années, c'était au moment des manifestations des sages-femmes. iI m'est revenu en mémoire il y a quelques jours, allez savoir pourquoi ? et là je découvre cette chronique et encore une fois, les liens sont forts avec les clins d’œil des blogueuses. Merci
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M
Une lecture bouleversante pour moi...<br /> <br /> Il est en cours d'adaptation au cinéma.
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