~ La confrérie des mutilés, Brian Evenson
Le détective privé Kline rejoint à son corps défendant une secte étrange aux moeurs sordides, pour y mener une enquête dont les tenants et aboutissants lui demeurent obscurs. Les titres et places dans la hiérarchie des membres de cette confrérie sont fonction du nombre d'amputations subies volontairement comme autant "d'actes de foi". Ambiance déplaisante et hautement malsaine, donc - âmes sensibles s'abstenir. Action, hémoglobine, gâchette en folie et violence à gogo, voilà ce que j'appelle un polar bien "musclé". J'ai eu la curiosité de m'y frotter, après avoir été tout autant captivée qu'horrifiée par Père des mensonges du même auteur. J'avoue avoir survolé certains passages de mutilations au hachoir ou de strip-tease très particuliers. Au-delà des moments difficiles qui conduisent le lecteur au bord de la nausée ou de l'évanouissement selon son endurance, le roman présente une intrigue intéressante et une accusation métaphorique des sectes qui amputent l'individu de son âme et de ses biens, qui le rendent anonyme et interchangeable... Dommage que le dernier tiers n'offre rien d'autre qu'une surenchère de violence, là où j'attendais une explication plus solide... Tout ça pour ça ?
Joelle en parle très bien : "(...) la bizarrerie de ses personnages m'a plutôt fait penser à un cauchemar bien glauque dans lequel se serait enlisé Kline mais en même temps, il y a des moments où j'ai presque ri du fait de l'absurdité de certaines situations (...)"
La confrérie des mutilés, Brian Evenson, 10/18, novembre 2010, 221 p.
Un aperçu des réjouissances :
"Une tête mutilée se détachait sur l'oreiller, le corps invisible sous une couverture. Il s'agenouilla près du lit. Les yeux avaient été évidés, les paupières découpées. Des oreilles arrachées, il ne restait que deux spirales de chair lisse et rosée. A la place du nez, il y avait un trou sombre et béant. Les lèvres semblaient avoir été rognées, peut-être par les dents que l'on devinait à travers les lambeaux de chair restants.
Tandis qu'il l'observait, le visage frémit, la tête bougea légèrement et il eut l'impression que les yeux énucléés fixaient les siens. Il détourna le regard et, se saisissant de la couverture, découvrit le corps.
Ce n'était qu'un torse dépourvu de membres, aux tétons coupés et au pénis tranché. Il observa la poitrine se soulever au rythme de la respiration, de l'air qui sifflait en passant entre les dents. La façon dont le corps reposait avait quelque chose d'étrange, se dit-il en le poussant un peu, suffisamment pour constater que les fesses avaient été découpées.
La bouche bredouilla quelque chose qu'il ne put comprendre car la majeure partie de la langue manquait." (p. 84)
Vous l'aurez compris : celui-ci est haut placé dans la hiérarchie - le veinard !